Synthèse sur la Princesse de Clèves

la princesse de clèves

Synthèse sur la Princesse de Clèves (Compléments)

1.      La composition (voir tableau sur la structure de l’œuvre)

L’intrigue qui compose le roman est d’une simplicité conforme à l’idéal classique. Le récit est composé en quatre parties qui correspondent aux quatre volumes de l’édition originale.

Pourtant, le roman est savamment composé : on trouve une matière narrative abondante, des effets de structure étudiés, une utilisation subtile de la chronologie.

•            La chronologie :

Le récit couvre un temps assez bref, un peu plus d’une année, qu’il est possible de dater avec précision grâce aux repères historiques :

  • octobre 1558 : reprise des négociations de Cercamp
  • 17 novembre 1558 : mort de Marie Tudor
  • 3 avril 1559 : paix de Cateau-Cambrésis
  • 10 juillet 1559 : mort de Henri II
  • 21 septembre 1559 : sacre de François II à Reims.

Sur ce canevas authentique, Mme de la Fayette greffe la chronologie fictive de l’aventure amoureuse. Cette superposition de deux temporalités qui va conférer au roman la caution de la vérité historique, a pour résultat de concentrer à l’extrême, et au mépris de la vraisemblance, l’intrigue romanesque.

Ainsi, au début du livre, entre novembre et février, s’accumulent les péripéties : rencontre de M. de Clèves, cour discrète des soupirants, mariage, rencontre du duc de Nemours, bal chez M. de Saint-André… Ceci contraste avec certains passages où le temps est plus relâché comme dans la troisième partie. La modernité du livre tient d’abord dans la souplesse de l’utilisation de la temporalité.

Synthèse sur la Princesse de Clèves

•            Le prologue :

Long préambule qui présente en détail les personnages et le climat de la cour. L’originalité de ce prologue est de retarder la mise en route de l’action principale et d’être la seule séquence qui ne soit pas centrée sur l’héroïne éponyme (à l’exception de quatre

« épisodes »). Le roman se trouve un instant égaré sur la piste du roman historique favorisée par l’incipit. Le récit galant ne commence qu’au portrait de Mlle de Chartres, sa beauté annonçant un roman sur la passion destructrice.

•            Les épisodes :

Quatre digressions interrompent le fil du récit. C’est dans la tradition des romans précieux ou galants d’intercaler des « tiroirs » pour suspendre l’histoire principale et enrichir la matière romanesque.

On trouve deux épisodes historiques, celui de Mme de Valentinois, celui d’Anne de Boleyn ; ensuite celui du vidame de Chartres et le dernier, purement romanesque, l’histoire de Mme de Tournon.

Ces épisodes offrent des contrepoints à l’intrigue principale ; chaque épisode retarde l’intrigue sentimentale qu’il est prudent de ne pas déployer trop vite. Mais l’intrigue principale y trouve des échos :

  • L’historie de Mme de Valentinois, racontée par Mme de Chartres, montre à quelles extrémités l’amour entraîne une femme.
  • L’histoire de Mme de Tournon, racontée par M. de Clèves, prépare à la défiance du mari prédisposé à la jalousie.
  • L’historie d’Anne de Boulen, racontée par la Dauphone, enseigne à Mme de Clèves la tragédie de la jalousie
  • L’histoire de Mme de Thémines, racontée par le vidame de Chartres, illustre les conséquences de la frivolité masculine.

Ces parenthèses interrompent l’action mais la soulignent, la répètent symboliquement à travers des variations sur le thème de la complication de l’amour.

Synthèse sur la Princesse de Clèves

2.      Techniques narratives

  • « Occultation de l’auteur »

La narration du roman peut-être définie comme neutre, blanche, presque anonyme. Le procédé permet à l’auteur d’entretenir l’illusion mémorialiste. Tel un historien objectif, l’auteur se dissimule derrière les faits. Le récit est entièrement rédigé la troisième personne, utilisant essentiellement les temps du passé, comme dans un « récit historique ».

•            L’intrusion de l’analyste

Cette volonté de distance détachée dans la narration est contestée par des effets de discours dans lesquels l’auteur révèle sa présence : par l’identification avec un personnage, par le recours au monologue intérieur, par le commentaire de l’action.

Dans le premier cas, le procédé suppose la multiplication de point de vue à travers les yeux des différents personnages.

Le monologue intérieur permet à la narratrice de se rendre complice de son personnage en restituant de l’intérieur le résultat de sa réflexion.

Enfin, la présence de l’auteur est attestée par les jugements de valeur générale sur les comportements des personnages et exprimés sous forme de maximes (dans l’esprit de La Rochefoucauld)

3.      Le roman historique

Mme de la Fayette pourrait se présenter, par formation et par goût, comme historienne. Elle écrit des Mémoires et a commencé une « Histoire de la vie d’Henriette d’Angleterre ». Son œuvre se situe donc dans le registre historique.

Synthèse sur la Princesse de Clèves

•            La peinture de la cour

La romancière a voulu faire une « parfaite imitation de la cour et de la manière dont on y vit ». Pour cela, elle a dû utiliser des travaux d’historiens et de mémorialistes.

Elle excelle dans la peinture des personnages historiques, comme la peinture de la famille royale. De nombreux personnages secondaires sont montrés dans leur véritable fonction comme le duc d’Anville, le maréchal de Saint-André, Mme d’Etampes…

On retrouve une même fidélité dans la chronique des événements, les mariages, les tournois, les négociations de paix, dans la peinture

du cadre ou des sentiments. La romancières souhaite enseigner la réalité de la vie à la cour.

Cependant, ce tableau, pour aussi exact qu’il soit, est loin d’être « réaliste ». Mme de la Fayette ne décrit jamais précisément les seigneurs qu’elle met en scène ; elle veille à s’en tenir à des généralités (« de belles personnes, des hommes admirables et bien faits…). La toile de fond de la chronique reste essentiellement décorative, idéalement bienséante, rehaussée par le prestige des titres et des fonctions, mais privée des singularités de la vie réelle.

On a dit, par ailleurs, que plutôt que l’Histoire, le roman montrait « la petite histoire ». Ainsi, la romancière a-t-elle superposé la temporalité du récit à celle de son époque. La cour des Valois ressemble fort à celle de Versailles : même jeu des courtisans, mêmes intrigues sentimentales destinées à meubler une oisiveté dorée, même grossissement des événements insignifiants (comme l’épisode de la lettre compromettante), même omniprésence du roi et de sa famille, même importance des femmes pour tirer les ficelles de la comédie mondaine. C’est le règne du paraître, du mensonge et de l’indiscrétion.

Ce mélange de reconstitution scrupuleuse, d’allusions décalées à la réalité, et de libertés chronologiques montre la fonction de l’Histoire ici : un point de départ qui doit être dépassé.

Synthèse sur la Princesse de Clèves

•            Fonction esthétique de l’histoire.

L’Histoire a également une dimension romanesque : elle fournit un décor privilégié, clos, artificiel. Le prestige du lieu exige un protocole qui donne aux actions quotidiennes un cérémonial propre à dissimuler la vanité ou le mensonge. Le cadre est totalement renfermé sur lui-même (château, jardin, salle de bal, salle de tournoi). L’intimité est impossible en ces lieux ; même quand elle fuit, l’héroïne n’échappe pas aux regards importuns.

L’Histoire confère également au livre une impression de grandeur et d’excellence annoncée dès l’incipit. L’héroïne est la protégée de la Dauphine ; le chevalier de Guise, un de ses soupirants, appartient à la plus grande famille du royaume ; M. de Nemours est sur le point d’épouser la reine d’Angleterre. Or, ces personnages hors du commun, qui mènent le monde, connaissent les passions, les joies, les souffrances de n’importe quel homme. Le destin, nous enseigne ce livre, n’est pas forcément plus clément à l’égard des têtes couronnées. Au contraire. Et il est rassurant et édifiant que l’exemple vienne d’en haut. (Corneille et Racine illustreront dans leurs tragédies la même morale). L’événement historique devient alors prétexte à émotion esthétique et à la réflexion morale (comme lors de l’accident d’Henri II).

4.      Le roman sentimental

  • Les peintures de « L’amour ».

Quand elle publie son roman, Mme de la Fayette est âgée de quarante-quatre ans, l’âge que pourrait avoir la mère de l’héroïne. Ce personnage devient d’ailleurs le porte-parole de l’auteur ; elle aime à parler d’amour à sa fille, sans doute pour en conjurer les effets. De même Mme de la Fayette brosse dans son récit les peintures de l’amour.

Ceci est porté par la cour toujours préoccupée par les problèmes de cœur. Le mot « galanteries », terme polysémique, qui désigne aussi bien l’élégance mondaine que les liaisons amoureuses, platoniques ou charnelles, en constitue l’étiquette. Le roi lui-même est défini comme « galant, bien fait et amoureux » et sa liaison avec la duchesse de Valentinois semble le préoccuper davantage que les négociations de paix. D’autres personnages sont définis de la même façon, le vidâme de Chartres, le duc de Nemours, vrai séducteur, la Dauphine qui suscite des sentiments passionnés chez plusieurs soupirants, et Mlle de Chartres est aimée et désirée par plusieurs hommes.

L’intrigue a pour rôle d’offrir une peinture presque scientifique du mécanisme de la passion. Mme de la Fayette nous décrit d’abord

« la naissance de l’amour », chez M. De Clèves d’abord, puis chez La princesse et le Duc de Nemours lors du bal.

Le regard a une fonction importante dans ces relations galantes et amoureuses. Mme de Clèves ne semble pouvoir échapper à l’image du duc ; ceci est également symbolisé par le vol du portrait et l’indiscrétion de Nemours à Coulommiers (voir sans être vu). La parole, elle, est moins éloquente. M. de Clèves n’arrive pas à obtenir de sa femme la révélation qu’il attend ; Nemours n’obtient un entretien d’explication qu’au moment où l’espoir de bonheur semble envolé. La parole est dangereuse car elle peut être surprise, donc volée, détournée de son destinataire (la lettre perdue), répandre des indiscrétions. L’héroïsme est du côté du silence. La faiblesse est dans le discours et les conséquences fatales qu’entrainera l’aveu le montrent bien.

L’amour retenu, tu, doit se signaler par d’autres moyens (comme la fameuse canne des Indes, le portrait, métaphore de l’amour…)

Synthèse sur la Princesse de Clèves

•            L’ambiguïté du mariage

Le sentiment passe par des voies détournées car il est voué à la clandestinité honteuse. Le mariage semble dénoué de sentiments et affaire de calcul, de raison. Le mariage apporte un statut social, permet de rapprocher des familles ou des Etats. La conséquence immédiate du mariage semble alors être l’adultère.

Or, M. de Clèves rompt avec cette convention. Il entre dans le mariage par amour et conservera ce sentiment toute sa vie d’époux. Il était fait pour être amant ; c’est de ce mariage d’amour que découlera le drame. Car le mari est normalement vu comme un confident, un ami, un compagnon administratif. C’est pour cela que l’héroïne se confie à son mari, et lui voue une sage confiance.

De même, le refus d’épouser Nemours tient au fait que le mariage, pour l’héroïne, tuerait l’amour. Mme de Clèves choisit plutôt de se maintenir dans une « retraite » pour expier ses fautes, pour respecter un illusoire devoir.

Synthèse sur la Princesse de Clèves

•            Les désordres de l’amour

Le mariage donne congé à l’amour pour se préserver des désordres et du malheur qu’engendrent la passion. Paradoxe : ce roman

d ‘amour est un roman contre l’amour. L’apprentissage fonctionne à l’envers puisque l’épreuve aboutit non à une entrée dans le monde mais à un retrait.

Le désastre commence par la rencontre vécue comme une fatalité irrépressible. La séduction est magie, la passion est incontrôlable, génératrice de trouble, cet état inconfortable où l’être vacille, privé de sa raison. C’est alors que l’amour provoque une grande douleur aux personnages, prend la forme d’un mal incurable, la jalousie. Ainsi, le prince de Clèves se sent-il, après l’aveu de la Princesse,

« pénétré d’une douleur mortelle », expression qui annonce la suite des tourments du malheureux mari.

La tradition courtoise l’annonçait : la passion est mortifère. D’autres personnages secondaires vérifient cette règle dans le roman.

A la veille de quitter ce monde, la princesse congédie son amant par cette phrase : « les passions peuvent me conduire mais elles ne sauraient m’aveugler ». L’amour est dangereux, c’est la rupture d’un équilibre rassurant et d’une tranquillité faite de franchise et de modestie.

5.      La leçon morale

Dans ses dernières paroles, Mme de Chartres engage sa fille au renoncement et à la fidélité : « ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles, quelque affreux qu’ils vous paraissent d’abord ; ils seront plus doux dans les suites que les malheurs d’une galanterie ». L’injonction pose l’alternative : tout vaut mieux que les désordres d’une passion. Mme de Chartres précise les grands principes de sa morale : la rigueur, la souffrance, l’héroïsme de la chasteté, plutôt que la faiblesse et l’abandon. Sans doute, Mme de Clèves veut-elle conduire son lecteur vers les chemins de la sagesse à travers « des exemples de vertu inimitables ».

•            Un héroïsme tragique

L’élévation morale caractérise l’héroïne, comparée aux personnages de Corneille ou de Racine. Mme de Clèves place sa grandeur dans un idéal de rectitude qui exige sincérité et réputation.

La sincérité est au cœur de l’intrigue, elle justifie l’épisode le plus inattendu : l’aveu. La sincérité de la princesse est régulièrement rappelée au cours du roman et parfois moqué par des personnes plus rompues à la comédie humaine, comme la Dauphine. Il entre d’ailleurs un peu de coquetterie dans cet absolu de vérité auquel la jeune femme sacrifie avec délectation : « je vais vous faire un aveu que l’on n’a jamais fait à son mari » dit-elle au prince de Clèves. Face à Nemours, elle cultive la même originalité en décidant de parler « avec une sincérité que vous trouverez malaisément dans les personnes de mon sexe. La dissimulation en usage à la cour ne convient pas à la noble épouse.

Mais cette belle qualité morale utilisée sans discernement dans une société trompeuse peut avoir des effets désastreux. L’aveu au mari a souvent été jugé à l’époque comme naïf, invraisemblable, absurde, surtout au regard des conséquences qu’il entraîne.

Une des dimensions du tragique du personnage tient à ce choix douteux : se figer dans une attitude de droiture inflexible inadaptée aux sollicitations de la vie mondaine. Mme de Clèves est sans cesse tiraillée entre ses valeurs et ses sentiments : une épouse sincère doit-elle avouer son inclination pour un autre ? Une jeune veuve peut-elle refaire sa vie avec celui qui a causé la mort de son mari ?

Il est alors également question de « réputation » et d’image de soi. Les femmes infidèles dont la princesse entend parler (Mme de Valentinois, Mme de Tournoi) sont sévèrement condamnées, l’adultère lui inspirant une répugnance, moins par respect du mariage que par souci de bienséance. L’héroïne respecte son devoir, se fixe un idéal héroïque de loyauté et d’honneur, par bienséance qui la mène à une situation tragique.

Synthèse sur la Princesse de Clèves

•            La gloire du renoncement

Sauver sa réputation, conserver son honneur, s’imposer un devoir élevé sont les diverses formes d’une exigence morale qui s’exprime essentiellement par la négative. Le message édifiant de l’œuvre se rapproche alors d’un idéal janséniste : celui du refus, du repos, du retrait.

En cela Mme de la Fayette se rapproche des pensées de Pascal : l’agitation de la cour d’Henri II s’apparente au « divertissement » de Pascal. Les tournois, les courses, les bals, les galanteries, sont autant de moyens inventés par les mondains pour échapper au tête ) tête avec soi-même.

Mme de Clèves semble donc aspirer secrètement à plus de discrétion et d’effacement. La fuite à Coulommiers est vécue par elle comme une chance de bonheur, une occasion de se mettre à l’abri des grimaces sociales. Loin de la cour, la vérité de l’être a des chances de s’imposer. Lors de son deuxième séjour, elle choisit délibérément une vie « fort solitaire », en prélude au couvent où elle se réfugiera à la fin du roman. Mme de la Fayette retient de Pascal sa défiance à l’égard du monde, de ses mensonges, de son agitation.

Le refus des passions se trouverait également chez Descartes : le cartésianisme était très répandu dans les cercles parisiens du XVIIème siècle. On trouverait ainsi, dans l’attitude de Mme de Clèves, un désir « d’ataraxie » dont Descartes avait fait sa première règle de vie. Mais la conduite de l’héroïne n’est pas toujours à la mesure de sa volonté : « les passions peuvent me conduire, elles ne sauraient m’aveugler ». Cette vision dévoile un certain pessimiste, car la princesse, ne pouvant lutter, sans tuteurs (sa mère, son mari), pour la corriger, doit s’éloigner, se retirer du monde.

•            Le bonheur du repos

Le bonheur pour Mme de La Fayette serait alors dans le choix du repos et la foi dans la vertu. Le repos, c’est le contraire du tumulte de la cour, de l’agitation, de l’inquiétude de la passion. L’aspiration ultime est celle de l’éloignement et de l’indifférence. La retraite au couvent devient alors un geste d’espérance tourné vers la morale chrétienne que le « Grand Siècle » finissant s’est imposé comme modèle.

la princesse de Clèves fiche dans le pavillon

la princesse de Clèves, Analyse La scène à témoin caché exemple

la princesse de Clèves texte intégral

12 figures de style indispensables pour les élèves de la 1bac

français : cadre de référence de l’examen régional 2020

cours de français à distance au Maroc

Synthèse sur la Princesse de Clèves

Author: Prof.Ziani

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *